Faire confiance et lâcher prise en voyage ou en vivant à l’étranger

En début de semaine, je lisais le passage d’un livre qui traitait de la confiance, sa définition et ses bienfaits. L’auteur (Christophe André) y explique que c’est une forme d’optimisme, qu’il ne s’agit pas d’un aveuglement mais d’une tranquillité de l’esprit face à l’absence de problème manifeste, qu’accorder sa confiance comporte toujours une part de risque mais que cela contribue à rendre la société plus humaine.

Cela a particulièrement du sens lorsque l’on vit à l’étranger et particulièrement dans un pays où tu ne comprends pas grand-chose à ce qui t’entoure (du moins au début) : la langue, l’alphabet, les religions et leur cohabitation, les règles de société tacites et explicites, les prix à la tête du client. (Je ne parle même pas du gaz qu’on essaye d’obtenir depuis plus de 3 semaines, ni du système compliqué pour réserver une place de cinéma, …).

Dans ce contexte tu es donc obligé de faire confiance. A tout le monde. Au chauffeur de risckshaw, au marchand de légumes, au mec dans la rue qui te traduit ce qu’essaye de te dire le chauffeur de rickshaw et le marchand de légumes, au deuxième mec qui vient aider le premier et qui ne dit pas forcément la même chose, à ton agent immobilier, tu n’as aucune idée de l’échelle des prix, de ce qui se fait ou pas.

Cette perte de repères, valable dans un déménagement comme lors d’un voyage d’ailleurs, peut s’accompagner d’une méfiance plus ou moins intense selon chacun. Je suis sûre que le chauffeur me ballade pour faire tourner le compteur, que je paye mes œufs le double du prix, il m’amène dans le magasin d’un de ses amis où je vais me faire arnaquer.. Cette méfiance est entretenue par tous les récits d’arnaques lues dans les guides, les divers forums de voyage et les expériences d’un pote de pote qui a eu des problèmes ici ou ailleurs.

L’auteur explique que si on est très méfiant on évitera la plupart des arnaques mais que nous serons passés à côté de l’essentiel : la qualité de vie et d’avoir pleinement profité du voyage ou du moment.

Hormis les voyageurs au budget très restreint ou les pour les fans de négo cela vaut-il le coup pour quelques euros d’avoir passé une h à aller de taxi en taxi pour comparer les prix ? Négocier pendant 15 min pour économiser quelques centimes sur ses légumes ? D’éviter de répondre à tous les gens qui nous abordent sous prétexte qu’ils vont forcément vouloir nous vendre quelque chose ?

La confiance suppose d’accepter un risque social relatif (celui de la tromperie) pour un bénéfice palpable qui est celui de la qualité de vie, et si les bons cons avaient une vie plus heureuse que les toujours méfiants ? Il ne s’agit pas de faire confiance aveuglement mais d’offrir une confiance éclairée, éveillée.

Évidemment dans les endroits très touristiques, du genre Taj Mahal ou palais royal de Bangkok, il faut rester méfiant quand un mec te dit que le palais est fermé pour cause de rénovations (n’est ce pas François ?!) mais globalement on a eu plutôt de bonnes expériences à suivre les conseils des locaux.

Par ailleurs, ces réflexions font écho à une de nos rencontres à Leh, dans le Nord de l’Inde, nous avions dîné avec un couple de français, dont le monsieur avait vécu plusieurs années en Inde. On avait notamment parlé du fait que c’est agaçant de devoir payer le prix touriste lorsqu’on vit dans le pays, qu’on essaye de négocier mais que l’interlocuteur ne veut rien entendre alors qu’on a parfaitement conscience de ce que les locaux payent. D’autant plus quand on a un budget restreint, comme moi qui n’avait pas de salaire au Bangladesh.

Sa conclusion était « si après une légère négociation je suis content du prix, si le vendeur est également content alors c’est vendu, peu importe le prix que les locaux paieraient ». Ça nous avait beaucoup plu comme raisonnement avec Johan, après tout c’est vrai que nous n’avons pas le même niveau de vie non plus. Même si nous ne sommes pas riches en France, cela n’a aucune commune mesure avec le niveau de vie de la plupart des gens sur place.

Hier j’ai visionné un documentaire diffusé avant Noël sur France 5 sur le Bangladesh, on y voyait un chauffeur de vélo rickshaw interviewé, il trimait tous les jours pour 3 euros, transportant jusque 3 personnes sur son vélo qui à vide pèse déjà 90 kg, sous une chaleur épuisante comme sous la mousson, au milieu d’un trafic délirant, son espérance de vie ne dépasse pas 40 ans, son salaire ne lui permettant pas de se loger à Dhaka, nourrir sa famille et encore moins d’envoyer ses enfants à l’école. Il avait du choisir d’abandonner sa famille au village natal pour économiser le plus possible. Lien pour visionner le reportage si ça vous intéresse : https://www.youtube.com/watch?v=7cIC03GRTNc , les journalistes ont d’ailleurs vraiment bien réussi à capter le bordel l’ambiance si particulière du Bangladesh et de Dhaka.

J’ai repensé à toutes ses fois où j’ai négocié avec ténacité tous mes déplacements au Bangladesh. On en parlait avec Madeleine hier et on se sentait coupables. En vivant sur place au quotidien, on ne réalise plus, on ne voit plus ou du moins on ne veut pas voir. Il ne s’agit pas de ne plus se servir des rickshaws, cela rendrait leur situation encore plus dramatique.

Certains bangladeshi pestaient toutefois contre les étrangers qui payaient trop les rickshaws, ces derniers préfèrent ensuite prendre des étrangers ou augmentent leur prix pour les locaux. Débat sans fin.

Une légère négociation est toutefois nécessaire la plupart du temps, c’est un jeu ici, tout le monde négocie. J’ai déjà fait 2h de vélo supplémentaires à Dhaka pour acheter des lumières de vélo 30 centimes moins chers avec mes collègues qui ne voyaient pas du tout le problème ! Et puis il y a des fans de la négo, des gens qui adorent négocier, comparer, obtenir le meilleur prix possible, personnellement ça me tend plus qu’autre chose, mais en général le simple fait de partir (sans que ce soit une tactique en ce qui me concerne) fait baisser le prix. Si la personne ne réagit pas au départ, soit vous êtes au milieu d’un flot de touristes, soit le vendeur vous a proposé un prix qui lui semble honnête et juste.

Le texte est un peu décousu, mais si on devait le synthétiser en quelques mots je dirais : apprenons à faire confiance, peut être que le détour en taxi nous fera découvrir un nouveau resto sympa dans la ville, et relativisons lorsque l’on sait que l’on paye (un peu) plus cher que la population locale (je ne parle pas d’écarts délirants ou des arnaques), c’est certes agaçant, mais normalement il n’y a rien qui endommagera de manière significative l’état de nos finances et cela fera peut être la journée de celui qui en bénéficie ! Plus facile en vacance que lorsque l’on vit sur place et plus facile également à dire qu’à appliquer, j’en ai bien conscience et je ne suis pas encore à ce niveau de lâcher prise, loin de là !

Sur ce, je vais essayer d’oublier cette entière journée que j’ai passé à râler d’avoir payé 6€ la location de nos vélos à Srimongol au Bangladesh, en trouvant que c’était scandaleux, du vol, une honte pour le gérant de la guesthouse, de la fois où on a préféré marcher 1 heure avec François en Thaïlande plutôt que de payer 4€ au lieu de 2€ le tuktuk, de notre révolte avec Madeleine à Dhaka quand on a réalisé qu’on payait trois fois le prix du bus par personne, soit 1€ au lieu de 30 centimes et que le mec essayait en plus de nous faire payer le fait que nos vélos étaient sur le toit, et j’en passe.. !

J’étais partie sur un tout petit article mais je me suis un peu emballée ! Je suis preneuse de toutes vos réflexions à ce propos, c’est un sujet que l’on vit tous de manière un peu différente, et c’est toujours intéressant de voir les philosophies de chacun !

Bon weekend !

13 réflexions sur “Faire confiance et lâcher prise en voyage ou en vivant à l’étranger

  1. Lâcher prise, c’est vrai qu’au début, on a un peu de mal, mais si on n’y arrive pas, clairement, on n’est pas fait pour voyager ou vivre à l’étranger. Il faut que ça reste un plaisir, pas un combat. Car à part flatter son ego (et encore), on ne gagne pas grand-chose à combattre.
    Pour les prix, c’est vrai que c’est pas évident. J’ai eu une période « fauché » où je négociais de manière acharnée. Puis, trouvant ça absurde, je me suis relâché, optant pour un compromis acceptable pour les deux parties. Mais il est vrai qu’à plusieurs reprises en voyage, des locaux qui ne vivaient pas du tourisme se plaignaient que depuis l’arrivée des touristes, les prix d’un peu tout avaient beaucoup monté, car les touristes acceptent de payer trop cher. Mais le point milieu reste sans doute la meilleure option.
    Très bon billet en tout cas !

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    • C’est vrai que c’est dur de lâcher prise, on n’a jamais envie de se faire avoir ! Mais comme tu dis si justement, si on n’y arrive pas, on troque son énergie contre seulement quelques roupies !
      Ce billet me tenait à cœur, parce que c’est un sujet qui revient tellement dans nos conversations que c’est intéressant d’avoir les points de vue des autres voyageurs ! Merci beaucoup !

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  2. Superbe ce billet, et encore merci pour le reportage sur Dacca (que j’ai apprécié autant parce qu’il rendait effectivement très bien l’ambiance de là-bas et m’y ramenait un peu, que parce qu’il a généré beaucoup de réflexions personnelles très constructives je pense). Je suis tout à fait d’accord, au final même si on n’est pas « riches » par rapport à nos compatriotes dans nos pays d’origine, on reste tout de même extrêmement privilégiés par rapport aux populations locales. Le débat sur le « cercle vicieux » de la montée des prix avec l’arrivée des expats’ quelque part est effectivement sans fin, ce qui vaut d’ailleurs pour l’ensemble des activités de « développement » … Autant dire que ceux qui s’y destinent doivent être prêts à sans cesse réviser leur convictions, leurs visions d’eux-mêmes, des autres, du monde, bref remise en question perpétuelle ! En tout cas merci de partagr tout ça Alice !

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    • Oui ce reportage était vraiment bien, c’est incroyable comme il a su saisir l’essence de la ville, du pays !
      C’est surement cette remise en question qu’on vient un peu chercher en déménageant /voyageant ! On se pose tellement plus de questions ici, on s’améliore, on s’ouvre, on progresse sur notre lâcher prise/prise de recul, les galères du quotidien en valent la peine au final !
      J’ai l’impression de retrouver nos conversations dans la cuisine de notre appart de Dhaka, haha !

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  3. Voilà un sujet intéressant et un article bien écrit!
    Justement c’est un des trucs qu’on est en train de vivre depuis qu’on est en Asie, surtout maintenant qu’on est au Vietnam…
    Avant de tout quitter pour voyager, je bossais dans la vente, j’ai envie de dire que j’ai une vision particulière et perturbante de tout ça. Avant d’y être confronté je me disais que ça devrait plutôt m’amuser… Mais ça, c’était avant.
    En effet je vis ça comme un cauchemars. Car justement cette confiance qu’on voudrait accorder (ou qu’on accorde de temps en temps) pour se sentir plus léger et serein n’est pas tellement saine au final. Hormis toute considération d’équivalence de niveau de vie ou de l’impact sur notre budget qu’aura notre ticket de bus payé 3 fois le prix. Il ya un point de vue important qui palpite en moi, le (fichu) côté commercial. Le rapport client/marchand.
    Quel point de vue va avoir le marchand sur moi (et à la longue sur tous les touristes) si j’accepte de payer une somme que, lui, il ne paierai jamais pour ma même chose?
    Je suis à peu près sur que la réflexion de tous ces marchands ne se disent pas « il est gentil de me payer plus que le prix, il sait que je travail dur » (j’exagère, mais c’est pour mieux faire ressortir le paradoxe). Les marchands finissent par avoir une réflexion du genre « les touristes sont pleins de dollars, prenons tout ce qu’on peut ». (attention là encore j’exagère car c’est comme tout dans la vie, tout est dans les nuances…).
    Mais voila, quand je travaillais à mes différents postes de vente on peux parler « d’éduquer » ses clients, en fait ça marche dans les deux sens… Le client « éduque »
    De plus il y a comme vous le dites tous, l’aspect hyper négatif sur le quotidien pour les locaux qui ne vivent pas du tourisme. Ayant vécu/subit la belle ville de Nice pendant 8 ans, j’ai une idée précise de ce que c’est et je constate que c’est finalement négatif qu’elles que soient les conditions de vie locale.
    Enfin, le docu à l’air intéressant, je le regarderais quand j’aurais une connexion correcte…

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    • Hello !
      Effectivement j’ai entendu beaucoup à ce sujet concernant le Vietnam !
      Le Bangladesh et le Gujarat sont en comparaison très peu touristiques, c’est donc plus facile de prendre du recul quand on n’est confronté que ponctuellement à la situation ! La quasi majorité des rickshaws ici met le meter sans même qu’on le demande, c’est dire !
      C’est super intéressant d’avoir l’opinion de quelqu’un comme toi, du milieu de la vente ! Tu as complètement raison sur le fait qu’il ne faut pas que les gens s’habituent à nous voir dépenser sans compter. Comme le disait Laurent, un juste milieu est à trouver, il faut savoir lacher prise de temps en temps sans se faire rouler dans la farine à chaque coin de rue..
      Je dirais que le point de vue évolue également selon la durée du voyage : juste 15 jours, on n’a pas le temps de s’embêter à négocier et cela ne dure pas assez pour que ce soit vraiment ennuyant. Lors d’un déménagement, on se fait parfois avoir au début mais on finit par avoir une idée des prix. Le plus difficile à gérer, il me semble, sont pour les longs voyages, avec un budget à tenir, à jongler entre les différentes, monnaies, ce que préconnise les guides..
      Le reportage est vraiment bien et me donne envie de repartir faire un tour à Dhaka au plus vite !

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      • En fait on se rend compte au final que les relations avec les locaux sont largement moins bonnes dans les lieux touristiques. Tout simplement à cause de mauvaise habitudes données par les touristes venus en masse et souvent négligeants. Difficile de redresser la barre…

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  4. Bon sujet. Je pense que ca depend aussi de comment on voit les choses et de comment on voyage: pour des vacances de deux semaines, je vais m’amuser à convertir en euros et me foutre de payer 1€ au lieu de 30 cents. Ca restera du pas cher pour moi et n’entamera pas mon budget. Maintenant si je reste un mois dans le pays, que je fais un tour du monde ou que je suis expatriée, là sauf pour avoir une idée du prix, je ne vais plus parler en euros car je ne vivrais plus en fonction de l’euro mais en fonction de la monnaie locale. Je prendrai plus à coeur qu’on veuille me faire payer le triple d’un autre parce que, peut importe ton niveau de vie dans ton pays: ici, dans ce pays où tu restes un touriste aux yeux des locaux, tu vis sans salaire si tour du monde, ou tu vis avec un salaire du pays si tu es expatrié ! (Même si les etrangers peuvent etre payes plus, je ne connais pas les proportions…) Donc ton niveau de vie s’adapte au niveau du pays. Bref pour moi tout dépend si tu es un touriste (entendre « etranger ») à court terme ou à long terme.
    Le reportage ne me dit rien, c’est un peu le boulot des médias de faire ce genre d’emission « le pauvre gars vit avec 3€/jour » (je ne nie pas la misère de beaucoup de gens) mais il faudrait peut-être voir si c’est 3€/jour n’equivalent pas à 50€ chez nous puisque le niveau de vie est plus bas ! Facile de faire s’apitoyer les gens… (Apres le fait de devoir quitter sa famille etc, c’est terrible et je ne suis pas sans coeur, j’ai juste repris cet exemple).

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    • Salut !
      On a partagé la même pensée au même moment sur l’impact de la durée du voyage dans l’attitude à adopter !
      Pour avoir vécu à Dhaka, non 3€ n’équivalent pas à 50€ surtout quand toute la famille vit avec, d’autant plus qu’au Bangladesh la femme travaille rarement (contrairement au Gujarat, j’ai l’impression). Pas de quoi payer un loyer en tout cas.
      Je pense que si les médias exagèrent probablement un peu en général, nous en sommes en partie responsables. Nous devenons blasés, oui le Bangladesh c’est pauvre, mais l’Afrique c’est pire (les deux sont interchangeables !). Peut être faut il en arriver la pour nous faire prendre conscience de ce qu’il se passe à l’autre bout du monde ?

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  5. Canon ton article. je suis au degré 0,5 de lâcher prise je pense .. mais en tout cas ça me fait vraiment réfléchir pour les voyages à venir.
    Après je me souviens aussi du voyage au Sri Lanka où les prix étaient assez exorbitants (40 euros la visite des sites)..

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